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Mouvement Gauche Citoyenne de la Seine-Saint-Denis
19 octobre 2010

La Droite et les Communistes contre les intérêts des collégiens de la Seine Saint Denis

 Séance du Conseil général du Dimanche 17 octobre 2010

Intervention de Claude Bartolone, Président du Conseil général

Mes chers collègues,

J’ai beau avoir, comme on dit, quelques « heures de vol » en politique, mais je vais être franc avec vous : jamais je n’aurais imaginé que la dernière séance se déroulerait selon cet étrange scenario.

Pourquoi ?

D’abord parce que dans ce climat français d’unité politique et d’unité syndicale, j’aurais pensé que soufflerait ici d’une manière naturelle le vent du rassemblement de la gauche. Ce rassemblement, j’y suis très attaché, mais il est des moments où il faut savoir assumer ses différences.

Ensuite, parce que cette séance est consacrée aux collèges de notre département. Chers collègues, il n’y a pas de « sous-sujets », mais, à l’inverse, il y a des sujets « sacrés », si vous me passez l’expression. Et l’éducation des gamins de notre département, c’est un sujet sacré avec lequel on ne joue pas.

Enfin, c’est un étrange scenario parce que lorsque je vois la pile de lettres de félicitations, d’encouragements ou d’impatience, que j’ai reçues de la part de certains d’entre celles et ceux qui ont quitté la séance, je me dis qu’il y a parfois des comportements qui échappent à la rationalité politique et à l’intérêt général.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Nous aurions pu croire que le mécanisme du partenariat public-privé aurait crispé certains membres des groupes communistes. Il n’en n’est rien. Et pour cause ! Dois-je rappeler que Jean-Jacques Karman a voté le recours au PPP pour la construction de l’école Paul Doumer à Aubervilliers, par délibérations du 17 décembre 2008 et du 28 mai 2009.

Et je n’aurai pas la cruauté d’égrener la longue liste des élus communistes qui, aux quatre coins de la France, ont eu recours au partenariat public-privé… Quant aux élus de droite, j’ai cru comprendre, en lisant Eric Raoult et ses amis dans la presse, qu’ils n’avaient pas spécialement d’opposition de principe à l’égard des PPP.

Alors, les groupes communistes et la droite nous disent deux choses.

« Vous n’avez pas été assez précis sur le financement ». L’argument n’est pas recevable venant de ceux qui ont quitté la séance avant même que Daniel Guiraud nous présente le financement détaillé du PEI. J’y reviendrai.

Ils nous disent aussi : « Vous n’avez pas fait assez de concertation ». L’argument est encore moins recevable. La concertation sur ce dossier, voilà belle lurette qu’elle est engagée ! Bien avant que j’accède aux fonctions de président de ce département, d’ailleurs. Sur les 21 collèges dont il est question dans ce PEI, 18 étaient inscrits dans le PPI 2007. Pour certains d’entre eux, les autorisations de programme datent même de l’an 2000 !

Je vais être parfaitement précis.

Sur nos 21 collèges, 5 opérations sont déjà lancées grâce à la mobilisation de Mathieu Hanotin et de nos services, et elles seront financées dans le cadre du PEI :

Collège Ronsard/Tremblay : autorisation de programme en 2000, 1ère pierre en décembre 2010,

Lurçat/St Denis : AP en 2000, 1ère pierre en septembre 2010,

Jaurès/St Ouen : AP étude en 2001, AP en 2008, concours d’architecte lancé en séance du 17 octobre,

Daurat/Le Bourget : AP étude en 2002, AP en 2008, concours d’architecte en mars 2010,

Prévert/Noisy Le Sec : AP Travaux en 2002, AP en 2008, 1ère pierre en octobre 2010.

Sur nos 21 collèges, 13 étaient inscrits dans le PPI et n’ont jamais été lancés.

Collège Pavillons/A France : AP étude en 2003, AP en 2004, inscription dans le PPI 2007,

Le Raincy/Corot : AP étude 2002, PPI 2007,

Pierrefitte/Courbet : AP étude en 2003, PPI 2007,

Nouveau collège au Blanc Mesnil : PPI 2007, AP 2008,

Bondy/Renoir : AP étude 2003, PPI 2007,

Villepinte/Jaures : AP étude 2001, PPI 2007, AP 2008,

St Denis/St Ouen nouveau collège : PPI 2007 pour St Denis, sans AP Travaux,

Noisy Le Grand/collège International : PPI 2007, sans AP Travaux,

Aulnay nouveau collège : AP étude 2000, PPI 2007, sans AP Travaux,

Aubervillers/J Moulin : PPI 2007, sans AP Travaux,

Stains/Thorez : PPI 2007, sans AP Travaux,

Bondy/Curie : PPI 2007, sans AP Travaux,

Pantin/J Lolive : AP étude 2004, PPI 2007, sans AP Travaux.

Et enfin, 3 opérations sont nouvellement inscrites au PEI.

Il s’agit des nouveaux collèges à Montreuil/Bagnolet et à Aubervilliers/La Courneuve qui répondent à la hausse démographique prévue sur ces secteurs. 400 collégiens de plus sur le secteur Aubervilliers/La Courneuve d’ici 2013 et 300 de plus sur Montreuil/Bagnolet.

Il s’agit aussi du collège Louise Michel à Clichy-sous-Bois. Que quiconque vienne me dire que l’état de ce collège et l’anniversaire des émeutes ne justifient pas ce projet.

Pour résumer, nos partenaires nous demandent le temps de réfléchir à des projets que, pour la quasi-totalité, eux-mêmes ont inscrits et votés il y a parfois 10 ans…

Soyons sérieux et disons la vérité. Si les groupes communistes ont choisi de pratiquer la politique de la chaise vide, c’est parce qu’ils savent bien que le PEI met en évidence les retards qui ont été accumulés pendant des années sous d’autres présidences. Si la droite a fait le même choix de fuir le débat, c’est parce qu’elle se rend compte que ce plan fournit la preuve que le département bouge et avance.

Le PEI, finalement, c’est trois choses. C’est une doctrine budgétaire. C’est un plan de rattrapage. C’est une volonté d’obtenir des résultats.

1. Une doctrine budgétaire, d’abord. Lever 703 millions d’euros, cela ne se fait pas d’un simple claquement de doigts.

Il a fallu des efforts considérables pour y parvenir. Il a fallu remettre en cause les dérives du passé :

- Il a fallu réaliser des économies – le mot n’est pas sale – pour remettre le navire Conseil général en situation de naviguer.

- Il a fallu rompre avec les dépenses de prestige. 900 000 euros pour une cérémonie de vœux, je préfère les mettre pour refaire un collège.

- Il a fallu rompre avec cette pratique budgétaire qui consistait à asseoir des dépenses pérennes sur des recettes aléatoires.

- Et puis, chers collègues, il a fallu rompre avec les emprunts toxiques pour retrouver une crédibilité auprès des banques.

Sachez d’ailleurs que le cauchemar des emprunts toxiques est loin d’être terminé ; il commence. A l’heure où je vous parle, plusieurs produits arrivant en phase de fin de période de taux bonifié en cette fin d'année et début 2011, et donc désormais sous index toxiques, sont d'ores et déjà producteurs d'intérêts considérables.

Emprunt Depfa bank, basé sur la parité euro franc suisse, échéance au 3 janvier prochain : 1,4 millions d'euros d'intérêts à payer au lieu de 600 000 euros cette année avec un taux prévisible de 20%.

Emprunt Dexia basé sur une pente cms britannique 10 ans comparé au lbor yen 6 mois : 2,6 millions à payer cette année au lieu de 1,3 millions l'an dernier.

Pire encore, le swap Calyon basé sur la différence de change euro/dollar par rapport à euro/franc suisse, qui était censé nous protéger contre un taux fixe de 4,10% jugé trop élevé d'un emprunt de la caisse d'épargne, affiche pour le paiement de l'échéance 2010 un taux de 12,27% soit 1,45 millions d'euros à payer contre 800 000 euros en 2009 ! Au total ce swap aura été globalement déficitaire, renchérissant en fait un emprunt qu'il était censé bonifier, ce qui montre bien la vacuité des promesses faites par les banques, le caractère manifestement illégal de ces produits spéculatifs et la fuite en avant de ceux qui ont souscrit ces produits.

Nous voulons en finir avec tout cela et faire tout l’inverse. Avec notre nouvelle doctrine budgétaire, nous redonnons ses lettres de noblesse à la valeur avenir. Nous redonnons ses lettres de noblesse à l’investissement. Nous chassons de nos pratiques la fuite en avant, le refus de faire des choix politiques. Nous redonnons du sens à la parole politique, à la promesse politique.

Et cela, nos prédécesseurs le prennent comme une mise en cause de leur gestion. Chacun se fera son opinion.

Alors pour ceux qui ont des interrogations sur le financement, voici des réponses précises et transparentes. Les 703 millions de coût total se divisent en 380 millions en maîtrise d’ouvrage directe du conseil général, et 323 millions en contrat de partenariat.

Les 380 millions de financement pour la partie maîtrise d’ouvrage directe se divisent en 7 millions de subventions de la région et de l’Etat, 150 millions d’autofinancement, soit 30 millions par an pendant cinq ans, l’équivalent du surplus de DMTO attendu cette année, et 223 millions en emprunts, soit une moyenne de 44,6 millions, à comparer aux 130 millions empruntés en 2009, 120 en 2010, ce qui laisse une marge pour le financement des autres investissements. Ce volume d’emprunts est couvert par deux sources, un pool bancaire constitué de la caisse d’épargne et d’une filiale du crédit mutuel qui s’est engagée à hauteur de 250 millions et la CDC à hauteur de 154 millions de « prêts projet urbain ».

Les financements à mobiliser en remboursement annuel dans cinq ans, au titre du contrat de partenariat, ne seront définitivement connus qu’à l’issue du dialogue compétitif. Une première approche sera fournie dans le cadre du rapport d’évaluation préalable qui sera soumis à l’assemblée départementale conformément aux dispositions de l’article L 1414-2 du code général des collectivités territoriales, et ainsi que le précise le deuxième alinéa du projet de délibération relatif au PEI.

Le montant du remboursement annuel dépendra notamment de notre capacité à injecter des ressources propres dans le montage financier, soit sous forme d’autofinancement supplémentaire soit sous forme d’emprunt, le taux pouvant être obtenu par la collectivité étant inférieur à celui que peut espérer un organisme de crédit-bail. Sur 20 ans, on peut estimer en cas de financement externe intégral le loyer autour de 26 millions, étant entendu que les spécialistes estiment que sur 30 ans on dépense autant en entretien qu’en coût de construction initial.

Et si j’écoutais celles et ceux qui me demandent d’attendre 6 ou 7 mois pour lancer ce programme, qui peut me garantir que les taux d’intérêt resteront aussi attractifs à cette période, compte tenu de l’instabilité monétaire ?

Voilà pour la transparence et la précision. Maintenant, la conviction. Certains, absents aujourd’hui, jouent les effarouchés en disant craindre « l’entrée du privé dans l’éduction ».

Je veux leur dire fermement ma conviction : faire entrer le privé dans l’école de la République, c’est accepter que l’état de délabrement de nos collèges pousse nos enfants dans les bras de l’école privée.

2. Ensuite, le PEI, c’est un plan de rattrapage du retard accumulé pendant trop longtemps. Qu’avons-nous trouvé en arrivant ici en 2008 ? Eh bien je vais vous le dire.

Nous avons trouvé une poussée démographique que personne jusqu’ici n’a voulu voir. Une poussée qui, si nous n’agissons pas tout de suite, mettra 5000 gamins à la rue dans 5 ans.

3 exemples.

Les perspectives démographiques sur la zone St Denis- St Ouen impliquent de prévoir des places supplémentaires à partir de 2013 puisque les effectifs de collégiens passeront de 5500 actuellement à 6300 en 2013.

Au Blanc-Mesnil ou à Aulnay, ceux sont plus de 100 collégiens dans chaque ville que nous attendons et ces chiffres augmentent jusqu’en 2016.

Aux Pavillons-sous-Bois, les 2 collèges de la ville ont une capacité maximum de 970 élèves alors que l’on franchira le seuil des 1000 collégiens dès 2011.

Retard démographique donc, mais aussi retard sur l’état du bâti. En arrivant ici en 2008, nous avons trouvé des collèges dans un état de délabrement indescriptible. Regardez Jean Lurçat à Saint-Denis, regardez ces enfants qui étudient dans des préfabriqués depuis 6 ans suite à un incendie partiel. Regardez Louise Michel à Clichy. Que l’un d’entre vous aille visiter ces collèges et ose me dire droit dans les yeux que nous n’avons pas une dette à l’égard de ces gamins.

Je le sais, cette vérité dérange. Mais ce qui doit déranger davantage, c’est l’absence totale de prévoyance qui amène nos enfants à étudier dans des conditions indignes de ce pays et de ce siècle.

3. Enfin, le PEI, c’est une volonté d’obtenir des résultats. Nous partageons tous une critique forte vis-à-vis du gouvernement et de sa dette. Je la porte tellement, cette critique, que j’ai conduit le Département sur le chemin du budget de révolte, sur le chemin de la mobilisation de tous les départements, sur le chemin du recours collectif devant le Conseil constitutionnel et pourquoi pas demain de la justice européenne.

Mais au lendemain de la critique, il y a les naïfs, ceux qui attendent le grand soir. Et il y a les pragmatiques, ceux qui veulent à la fois résister et agir pour obtenir des résultats.

Le PEI, c’est un projet anti-naïf. C’est une manière de dire « l’éducation tout de suite » et « l’éducation à tout prix ». C’est tout ce que nous demandent les habitants de Seine-Saint-Denis. Regardez déjà comme les parents d’élèves se mettent en mouvement pour dire « Nous avons besoin de ces nouveaux collèges. »

Et c’est la meilleure façon de contester le désengagement de l’Etat : « Nous bâtissons 21 collèges, 12 gymnases, 9 cuisines centrales. Nous y mettons des technologies numériques, de la culture et des sports. Mettez-y des adultes, des profs pour faire grandir nos enfants. Nous fabriquons l’écrin, taillez donc le diamant. »

Alors, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je ne reculerai pas. Je ne renoncerai pas à cette façon de faire de la politique.

Au terme de ce vote, il y aura celles et ceux qui siègent ici, et qui, parce qu’ils siègent ici, pourront regarder la jeunesse de ce département dans les yeux. Et puis il y aura celles et ceux qui ne sont pas là ce matin, et qui assumeront demain devant les habitants leur choix de ne pas vouloir de ces 21 nouveaux collèges.

Pour notre part, nous allons adopter ensemble ce beau projet, ce grand projet, parce que les 703 millions que nous engageons aujourd’hui, ils n’iront pas dans la pierre, mais dans l’intelligence. Ils iront combler la dette que nous avons envers les enfants de ce département. Ils iront dans la préparation de la Seine-Saint-Denis que nous voulons.

Une Seine-Saint-Denis fière, debout, qui ne pleurniche pas. Une Seine-Saint-Denis qui avance, sûre d’elle, bien ancrée dans son siècle, sans nostalgie, sans cynisme, sans conservatisme.

Au fond, une Seine-Saint-Denis qui a enfin tourné la page.

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